Pages

Friday, April 27, 2012

Ils veulent voir leur nom sur la couverture d’un livre

Beaucoup de gens ne veulent pas écrire ; ils veulent avoir écrit. En d’autres termes, ils veulent voir leur nom sur la couverture d’un livre et leur photo au dos, avec un joli sourire. Mais ça, c’est ce qui arrive à la fin, quand on a fini son boulot, pas au début. Pour en arriver là, vous devez être disposé à y renoncer, à vous dire qu’il se peut que ça n’arrive tout simplement jamais, et que ça vous est à peu près égal, parce que ce qui compte pour vous, c’est d’écrire. Ce qui est vraiment important, c’est le mystère, la magie des mots qu’on met sur le papier. Si ce n’est pas ce que vous pensez, alors vous ne voulez pas être écrivain, ce que vous voulez, c’est seulement être un auteur. […] Les auteurs décrètent dès le début de leur carrière que s’ils ne sont pas publiés, ils laisseront tomber. Alors que les écrivains, ce sont des gens qui écrivent et qui écriront toujours, quoi qu’il arrive : ils respirent, non ? Ils ne peuvent pas faire autrement. Il faut bien qu’ils vivent.

Elizabeth George, Mes Secrets d’écrivain

L’image de l’écrivain génial

Un roman, une nouvelle, un poème, ne sont jamais un premier jet. La volonté du mot juste, la recherche du rythme parfait, de la sonorité exacte, de la cohérence d’un personnage, d’une scène, provoquent des ajouts, des variations, des suppressions, des retours. La recherche dans ses souvenirs, dans ses connaissances, dans ses références, dans son imaginaire, dans les livres, dans les dictionnaires (synonymes, définitions, rimes, analogies, symboles…), l’idée qui surgit quand on ne l’attend pas et qu’il faut noter, tout cela fait partie du travail d’écriture. La cohérence dans un roman ne peut se faire qu’au prix d’un travail scrupuleux d’écriture, de relectures, de ré-écritures.
L’image de l’écrivain génial, flamboyant, qui écrit tout en une seule fois, reste une fantaisie romantique. Claude Simon avait coutume de dire que s’il ne se mettait pas à sa table de travail, rien ne se faisait ; en ce sens l’inspiration pour lui n’existe pas. L’écriture, loin d’être un acte inspiré, chaotique, une passion dévorante, est un véritable travail, une construction réfléchie mûrement qui ne laisse rien au hasard.

— Wikipedia “Ecriture”

Thursday, April 26, 2012

Tu as encore ton libre-arbitre

Dans quel état est le Liban ? Lamentable à tous les niveaux, notamment au niveau gouvernemental et de l'Etat. Mais j’oserais dire qu’on est habitué à vivre dans cette merde, on s’en arrange très bien. Les amis qui viennent sont toujours sidérés de voir comment on arrive à vivre dans ce foutoir. Mais en même temps, on n’a pas Hadopi, on télécharge gratuitement, tu peux acheter n’importe quel nouveau programme pour 1$. Tu peux fuir les impôts sans problème, tout le monde s’en fout. De toute façon, la corruption passe au-dessus de tout ça. C’est des petites conneries qui contrebalancent la merde dans laquelle on vit et qui font qu’on est bien content de vivre là-bas. C’est bien sûr affreux, la corruption dans l’Etat. Mais d'un côté, la vie de tous les jours est un peu moins prise de tête qu’en Europe. Si à trois heures du matin tu arrives à un feu rouge et qu’il n’y a personne, tu peux passer. Même s’il y a un policier. Tu as encore ton libre-arbitre. Mais, on vit aussi dans un état d’entre-deux-guerres. On ne sait pas d’où elle va venir : est-ce que c’est d’Israël ? Est-ce que c’est une guerre civile ? Il y a plein de scénarios possibles et ça, c’est dur. Depuis qu’on est jeune, au Liban, on a appris à ne pas faire de projets à long terme. Dans trois ans, il y a de fortes chances que tu ne sois plus ici ou que tu ne sois plus du tout. C’est une vie au jour le jour et je m’en arrange très bien. Quand j'étais plus jeune, je voulais venir en France ou en Belgique, dans un pays francophone où j’aurais pu faire de la bande dessinée. Mais en voyageant avec les tournées de musique, j’ai découvert que ça n'est pas mieux ailleurs. Bien sûr ici il y a des subventions pour la culture, il n’y a pas de guerre. Mais en contrepartie, il y a aussi de moins bonnes choses.

Mazen Kerbaj, Gens de Beyrouth - gens de Paris

Tuesday, April 17, 2012

Grace Kelly

Grace Kelly

Sunday, April 15, 2012

Close Encounters

Close Encounters

Friday, April 13, 2012

Altereds

Altereds

Thursday, April 12, 2012

Les six portes d'Alger

Au XVIe siècle la ville a 6 portes ouvertes et quelques autres murées. Les deux principales communiquent par une rue longue de 1200 pas. Celle qui est à l'orient s'appelle Babason, où on exécute les Turcs criminels qu'on pend à un crochet attaché aux murailles de la ville, et celle qui est à l'occident Babalouette, lieu où l'on fait justice aux chrétiens. La 3ème porte s'appelle La Nouvelle Porte, aussi située vers l'orient du côté qui mène au château de l'Empereur. La 4ème est la porte d'Alcassava, qui est tout contre un château du même nom. La 5ème, qui regarde vers la mer, s'appelle la porte du Môle ou la porte du Divan. La 6ème s'appelle la porte de la Piscaderie. À chacune de ces portes il y a 3 ou 4 Turcs qui ont des bâtons à la main, dont ils frappent sur les épaules des esclaves qui passent pour se divertir.

Olfert Dapper

Wednesday, April 11, 2012

Untitled

Untitled

Monday, April 2, 2012

Contraint de s'exprimer

Le narcissisme est une notion à prendre avec des pincettes. Il ne renvoie pas dans l'époque contemporaine à une cause intérieure, psychologique, mais plutôt extérieure, liée aux conditions sociales actuelles. Faute de structure familiale solide, notamment, nous donnons actuellement peu d'outils aux jeunes pour devenir des individus. Ils sont sommés de passer toujours plus vite à l'âge adulte, sans l'assurance ni l'estime de soi qui accompagnent cette transition. Le narcissisme qui s'exprime sur Internet reflète plutôt le côté non réalisé d'un individu en quête de lui-même. Celui-ci est pourtant contraint de s'exprimer, de se rendre visible, de dire beaucoup sur sa propre personne, sans quoi il sera mis à l'écart.

Olivier Voirol, chercheur au Laboratoire de sociologie de l'Université de Lausanne

Wednesday, March 28, 2012

La capacité créative

La capacité créative repose, selon Max Turner, sur l’analogie qui consiste à trouver des ressemblances cachées entre des éléments apparemment disparates. La pensée analogique serait l’un des piliers de la créativité (en art et en science).

L'abduction

Charles Pierce considérait l'abduction comme la seule forme de raisonnement permettant de découvrir quelque chose de nouveau : "L'abduction suggère simplement que quelque chose peut être ; la déduction prouve que quelque chose doit être ; l'induction montre que quelque chose est réellement opératoire".

Friday, March 23, 2012

Untitled

polaroïd

Friday, March 2, 2012

La théorie de la vitre brisée

La théorie de la vitre brisée (broken windows theory) est une analyse criminologique développée aux États-Unis au début des années 1980, qui soutient que les petites détériorations que subit l’espace public suscitent nécessairement un délabrement plus général des cadres de vie et des situations humaines qui y sont liées. Dans une rue, si la vitre d’une usine ou d’un bureau est cassée et n’est pas réparée, le passant conclut que personne ne s’en préoccupe. Bientôt toutes les vitres seront cassées et le passant pensera alors, non seulement que personne n’est en charge de l’immeuble, mais que personne n’est responsable de la rue où il se trouve, ce qui constitue l’amorce d’un cercle vicieux. Finalement, il y aura de moins en moins de passants dans les rues. Cette théorie a souvent été utilisée par les partisans de la tolérance zéro alors que l’expérience avait pour but de démontrer que lorsque les régulations sociales informelles font défaut, les comportements destructeurs se libèrent, quelles que soient les couches sociales concernées. D’où l’importance de remplacer très vite la première vitre cassée, ce qui évite de voir tomber les suivantes…

Scriptopolis

Saturday, February 25, 2012

Flugfeld

flugfeld

Précisionnisme

précisionnisme [nom masculin] : Tendance de la peinture figurative des États-Unis dans les années 1920 et 1930, caractérisée par un style schématique et précis (Sheeler, Charles Demuth [1883-1935], O'Keeffe pour une part de son œuvre, etc.). [Également appelés « réalistes-cubistes » ou « Immaculés », les précisionnistes ont privilégié la représentation du paysage urbain et industriel moderne.]

Precisionism ou "immaculates"
Nom donné à l'esthétique d'un groupe (que l'on appelle aussi Cubo-Realism, en franç., réalistes-cubistes) d'artistes américains formé à la suite de l'exposition de l'Armory Show à New York en 1913. Ces artistes cherchèrent, tout au long de leur carrière, à adapter les réalités de la "vie américaine" aux qualités formelles qu'ils discernaient surtout dans la peinture cubiste. Charles Demuth fut le premier à se soumettre spontanément à cette réforme visuelle. Avant 1917, il avait déjà modifié son style pour soumettre l'architecture des villes américaines aux angles aigus et aux plans transparents du Cubisme. Charles Sheeler s'intéressa aussi à la structure fondamentale des objets, libérant le sujet de son côté anecdotique et romantique pour n'en retenir que les aspects essentiels, mais tout en conservant des références visibles. Ces peintres avaient appris que leurs collègues français regardaient les États-Unis avec admiration, comme s'ils étaient l'expression du modernisme industriel, la réalisation même de la beauté du XXe s. Ils en vinrent à concentrer leur effort artistique sur l'activité contemporaine industrielle ou urbaine. Cependant, dans les limites de ce style, des artistes comme Georgia O'Keefe, qui simplifiaient et idéalisaient les formes organiques offertes par la nature, eurent également du succès. Niles Spencer, George Ault, Ralston Crawford, avec Demuth, Sheeler et O'Keefe, les meilleurs du groupe des réalistes-cubistes, tentèrent la mise à jour d'une beauté exclusivement moderne en acceptant les qualités extérieures de la peinture française et les réalités des apparences américaines. En fait, leur notion du terme abstrait était littérale. Ils cherchaient des principes généraux, clairs, articulés, emphatiques dans leur structure et qui, pourtant, préservaient l'intégrité du sujet typique américain.

Wednesday, February 15, 2012

Les sept Regraga

Les sept Regraga, disciples de Jésus et compagnons du Prophète

Selon leur mythe, l'origine des Regraga remonte au temps de Jésus, quand ses adeptes se dispersèrent dans le Bassin Méditerranéen. Quatre débarquèrent sur les côtes marocaines, près d'Akarmoud, et s'y établirent. Les générations passèrent, jusqu'à ce que la nouvelle de la révélation coranique parvienne à leurs descendants demeurés chrétiens. « Or, Jésus avait prédit, avant de monter au Ciel, la venue d'un nouveau prophète », raconte Si-Ahmed, chef charismatique des Regraga. Sept d'entre eux partirent alors à sa rencontre. En arrivant à la Mecque, Fatima, la fille du Prophète, ne comprenant rien à leur dialecte, alla chez son père et s'exclama : « Maha dihi rejraja ? » (« Qui sont ces gens qui bredouillent ? »). Le Prophète, qui comprenait toutes les langues, répondit : « Tu viens de leur donner leur nom : Rejraja. » Aussitôt, les Sept embrassèrent l'islam et manifestèrent leur désir de rester auprès de Mohamed. Mais ce dernier les chargea de rapporter la nouvelle religion dans leur lointain pays du Couchant. C'est ce qu'ils firent, et les tribus se convertirent une à une. La première islamisation du Maghreb serait donc le fait de Berbères, mais qui plus est, de chrétiens convertis, devenus compagnons du Prophète. S'il va à l'encontre des thèses historiques attestées, le mythe fondateur est en tout cas riche de sens.

Manoël Pénicaud, Dans la peau d'un autre : pèlerinage insolite au Maroc avec les mages Regraga

Tuesday, February 14, 2012

Les livres de veuves

Aux Pays-Bas et en Flandre, les livres qui évoquent la mort d'un proche, le plus souvent sans avoir pu lui dire au revoir, se sont multipliés. Au départ on les a appelés « les livres de veuves », avec en 1998 Taal Zonder Mij de Kristien Hemmerechts , consacré à son mari le poète flamand Herman de Coninck mort d'une crise cardiaque à l'étranger. Ou encore le I.M. de Connie Palmen (Actes Sud), monument de la littérature néerlandaise (Les Lois, Actes Sud) où elle évoque son premier compagnon décédé, l'intervieuwer, poète, écrivain et dramaturge flamboyant Ischa Meijer. Désormais, on les appelle les « requiems ». Il en est sorti cinq depuis 2008 : le magnifique Contrepoint d'Anna Enquist (Actes Sud), dont la fille Margit a été également tuée à vélo par une voiture, La langue de ma mère (Actes Sud) de Tom Lanoye, le Gestameld Liedboek d'Erwin Mortier ou le Logboek van een onbarmhartig jaar de la même Connie Palmen, qui conte cette fois la mort de son second compagnon, l'homme politique néerlandais Hans van Mierlo. « De la masturbation », dénoncent certaines revues intellectuelles.

Monday, February 13, 2012

Le Bourgeois

Le mépris pour les manières bourgeoises à l'intérieur de la bourgeoisie naît avec Les Précieuses de Molière ("Magdelon: Ah ! mon père, ce que vous dites là est du dernier bourgeois"), mais c'est seulement sous le règne de Louis-Philippe que le Bourgeois s'élève à la catégorie universelle et envahissante, suscitant un rejet tout aussi large. Lequel sévit remarquablement en France, c'est-à-dire à Paris, capitale du siècle. Dès le début le Bourgeois est montré comme accouplé à la bêtise (ou sottise, comme disait encore Baudelaire - et c'est le premier substantif que l'on rencontre dans le premier vers des Fleurs du mal), en tant que puissance motrice de l'histoire et de son progrès. On ne craint pas, chez le Bourgeois, une classe sociale, mais un être nouveau qui met fin à toutes les catégories précédentes en les absorbant sans exclusions dans une nouvelle humanité au profil indéfini car toujours changeant. La vision était exacte et correspond à l'état normal des choses un siècle et demi plus tard, quand les sociétés dominantes finissent par s'appuyer avec des approximations, par excès ou par défaut, sur une classe moyenne omniprésente.

Roberto Calasso, La folie Baudelaire

Delacroix et la photographie

Le rapport de Delacroix à la photographie, analysé par Damisch* dans l’avant-dernier chapitre intitulé « L’Œil Juste » illustre les contradictions d’un génie « pris en écharpe » entre passé et avenir, entre tradition et modernité. Delacroix a bien compris l’intérêt du nouveau médium qu’il considère comme un formidable aide-mémoire pour le peintre, un outil qui lui permet de voir la nature avec exactitude et même de corriger les défauts des maîtres : Damisch cite ainsi un passage célèbre du Journal dans lequel Delacroix raconte comment il compare avec des amis des gravures de Marcantonio Raimondi à des photographies de modèles nus. « Après avoir examiné ces photographies, écrit Delacroix, je leur ai mis sous les yeux des gravures de Marc-Antoine. Nous avons éprouvé un sentiment de répulsion et presque de dégoût, pour l’incorrection, la manière, le peu de naturel, malgré la qualité de style, la seule qu’on puisse admirer […] qu’un homme de génie se serve du daguerréotype comme il faut s’en servir, et il s’élèvera à une hauteur que nous ne connaissons pas. » Delacroix ne s’aventure cependant pas plus loin : la photographie se doit d’occuper un rôle ancillaire, elle est « la servante au grand cœur » de la peinture qui seule est capable de transmettre le désir, l’émotion du vivant – au contraire de la photographie dont la trompeuse objectivité a quelque chose d’insoutenable, d’irréel.

*Hubert Damisch, philosophe et historien de l’art - La peinture en écharpe

Cécilie Champy

Ateneocoll08

ateneocoll08

Friday, February 10, 2012

Untitled

Untitled

Thursday, February 9, 2012

Le Râmâyana

Par son importance intrinsèque, son histoire, sa cosmogonie, le Râmâyana – qui a plus de 3 000 ans d’âge, au bas mot – est l’une des épopées orales les plus grandioses du monde, et seuls les Hindous – qui ont produit depuis, ou avant, qui sait ?, le Mahâbhârata – et les Chinois sont capables de nous éblouir par ce genre de récit. Le mot « éblouissement » est de rigueur quand on voit à quels bouleversements spectaculaires sont soumis le roi Râma et son armée de singes. Celui-ci part à la recherche de sa bien-aimée, Sitâ, que des démons malfaisants ont pris en otage dans les montagnes. L’histoire se termine à l’avantage de Râma, qui libère la reine Sitâ des griffes de son ennemi Râvana, le roi de Lanka, et remonte sur le trône d’Ayodha, dont il avait été dépossédé à la suite d’une sombre intrigue de palais. Avec ces sept chants, où se mêlent poésie et texte, vision apocalyptique et guerres fratricides, dieux et déesses, et tous les éléments de la nature – eau, soleil, vent, végétation, forêts, lacs et rivières –, peut se prévaloir d’une œuvre grandiose, qui est de surcroît entièrement respectueuse de l’humain. Le Râmâyana transcende le temps et offre au monde une sagesse élevée par ses protagonistes au rang d’état cosmique. Rien ne touche les deux principaux personnages, Râma et Sitâ, qui ne trouve sa résonance dans la marche du monde et c’est peut-être là la modernité transformatrice du texte, sa puissance, son génie.

Malek Chebel

Wednesday, February 8, 2012

La France se porte mal

Selon l'étude internationale la plus récente et la plus fouillée sur le sujet, fondée sur des données remontant au début des années 2000, la France arrive en tête des dix-huit pays concernés pour l'incidence d'au moins un épisode dépressif majeur au cours de la vie. Le taux est de 21 %, contre 19,2 % aux États-Unis, 17,9 % aux Pays-Bas et moins de 10 % en Allemagne et en Italie. Concernant la prévalence* d'un épisode dépressif majeur au cours des douze derniers mois, la France est moins mal placée, même si elle reste dans le peloton de tête (5,9 % contre 3 % en Allemagne et en Italie ; le taux américain est de 8.3 %)**. Selon un rapport parlementaire de 2006, le montant des remboursements de psychotropes assurés par la Sécurité sociale est passé de l'équivalent de 317 millions d'euros en 1980 à 1 milliard d'euros en 2003 et 2004, et cette augmentation est surtout liée à la montée en puissance des antidépresseurs de nouvelle génération. La part des patients traités par ces molécules est passée de 2,8 % en 1994 à 5 % en 2003***.

Dans une étude de la Commission européenne publiée en 2004, la France apparaissait par ailleurs en tête des pays européens pour le niveau de "détresse psychologique" et pour la prévalence d'un "désordre mental", d'un "trouble de l'humeur" ou encore d'un "trouble anxieux" survenu au cours des douze derniers mois. Le pays était aussi le champion de la consommation d'antidépresseurs, d'anxiolytiques et d'hypnotiques. Et la France était également, en 2000, le pays européen disposant du plus grand nombre de psychiatres par habitant****.

Mis à part l'essor des troubles dits bipolaires, la prévalence des psychoses ne semble guère varier d'un pays à l'autre. Cependant, selon le rapport parlementaire précité, la consommation de neuroleptiques a sensiblement augmenté des dernières années dans l'Hexagone, principalement du fait des prescriptions de médecins généralistes et le plus souvent pour des pathologies de l'humeur sans rapport avec les troubles psychotiques pour lesquels ces médicaments sont indiqués.

* La prévalence d'une maladie est le nombre de cas enregistrés dans une population à un moment donné.
** Evelyn Bromet et al., BMC Medecine, vol. 9/1, 2011, p. 90.
*** "Le bon usage des médicaments psychotropes", rapport de Mme Maryvonne Briot, 21 juin 2006.
**** The State of Mental Helath in the European Union.

Wednesday, February 1, 2012

Untitled

La ville en est une autre

Nous entrons, à des vitesses différentes, ici et là, dans un urbain dispersé, qui englobe le territoire de la grande ville et ses infrastructures matérielles et immatérielles. Le roman est-il compatible avec l’urbain ? Pour un temps encore, certainement. Comme contexte territorial, l’urbain est d’ores et déjà présent dans des polars et des romans dits “initiatiques”. L’urbain se faufile dans tous les interstices des paysages contrastés et inattendus d’un territoire quelconque. L’urbain ne recherche plus l’effet “poids”, au contraire, il joue la légèreté, la fluidité, l’éparpillement, mais d’une manière hégémonique, qui balise et contrôle l’ensemble d’un territoire. L’urbain contemporain fonctionne en réseaux et, selon nos activités et nos milieux, notre cartographie existentielle épouse telle ou telle géographie réelle et virtuelle. Ainsi les décideurs séjournent-ils principalement dans des villes globales dont l’économie informationnelle domine le monde. De la même manière qu’aucun individu de par le vaste monde ne vit au même rythme, aucun homo urbanus ne fréquente les mêmes territoires. Conséquemment, la ville que les romanciers ont souvent, par facilité, décrite à deux vitesses, avec sa “ville basse” et sa “ville haute”, se transforme-t-elle en un urbain à plusieurs vitesses et à plusieurs espaces, pas toujours enchevêtrés les uns dans les autres, pas toujours à la même échelle, pas toujours synchrones. Elle ne respecte plus le déroulé narratif et devient de moins en moins lisible. La ville en est une autre.

Thierry Paquot

Monday, January 30, 2012

Holiday Party 2010

5733 Holiday Party 2010

Swift

Swift

Saturday, January 28, 2012

La mètis

Selon M. Détienne et J. P. Vernant (Les ruses de l’intelligence. La mètis des Grecs) : « La mètis est… une forme d’intelligence et de pensée, un mode du connaître où sont associés le flair, la sagacité, la prévision, la souplesse d’esprit, la feinte, la débrouillardise, l’attention vigilante, le sens de l’opportunité, des habiletés diverses, une expérience longuement acquise ; elle s’applique à des réalités fugaces, mouvantes, déconcertantes et ambigües, qui ne se prêtent ni à la mesure précise, ni au calcul exact, ni au raisonnement rigoureux ». On peut aussi citer ce passage : « …la réalité que nous nous efforçons de cerner se projette sur une pluralité de plans… les savoirs d’Athéna et d’Héphaïstos, d’Hermès et d’Aphrodite, de Zeus et de Prométhée, un piège de chasse, un filet de pêche, l’art du vannier, du tisserand, du charpentier, la maîtrise du navigateur, le flair du politique, le coup d’œil expérimenté du médecin, les roueries d’un personnage retors comme Ulysse, le retournement du renard et la polymorphie du poulpe, le jeu des énigmes et des devinettes, l’illusionnisme rhétorique des sophistes ». La mètis consiste parfois, ruse suprême, à faire l’imbécile.

Saturday, January 21, 2012

L’expression « (formellement) libre »

La clé de la théorie wébérienne du capitalisme est donnée dans cette parenthèse : « (formellement) libre ». L’idée de fond de L’Éthique protestante - qui justifie le choix d’écarter le modèle du pur capitalisme de spéculateurs comme forme moderne du capitalisme - est que la grande invention du capitalisme « rationalisé » est d’avoir transféré, ou de tendre à transférer la contrainte d’exploitation au niveau du travailleur lui-même, jusqu’à ce qu’il devienne le premier promoteur de sa propre productivité. Au capitalisme « irrationnel », celui de la rapine guerrière ou de l’exploitation extensive d’une main-d’œuvre d’esclaves, s’oppose, à terme, la « rationalité » d’un capitalisme « (formellement) pacifique », fondé, lui, sur l’apparente liberté du salarié qui ne travaille pas sous la trique mais « de son plein gré ». L’expression « (formellement) libre » doit être prise au pied de la lettre : elle signifie que le capitalisme rationnel promeut un type de travail qui est exercé dans des conditions juridiquement libres. La seule contrainte et la seule violence désormais admises sont la contrainte et la violence économiques. Le travail libre est d’abord, comme Weber l’explique dans Histoire économique, celui de « personnes qui sont non seulement dans la position juridique mais encore dans la nécessité économique de vendre librement leur force de travail sur le marché ». La spécificité du capitalisme moderne ne réside pas dans cet exercice d’une contrainte économique, dont il n’a pas le monopole, mais dans le fait que cette violence économique est intériorisée et tend à faire de chaque individu son propre patron, quelle que soit par ailleurs la taille de la structure dans laquelle il engage sa force de travail.

Isabelle Kalinowski, Le capitalisme & son « éthique » : une lecture de Max Weber

Saturday, January 14, 2012

Caños de Meca - Cadiz

Trafalgar

Faro de Trafalgar

Saturday, January 7, 2012

Joseph et ses frères

La tétralogie de Thomas Mann, Joseph et ses frères, écrite entre 1926 et 1942, est par excellence une « exploration historique et psychologique » des textes sacrés qui, racontés avec le ton souriant et sublimement ennuyeux de Mann, du coup ne sont plus sacrés : Dieu qui, dans la Bible, existe depuis toute éternité devient, chez Mann, création humaine, invention d’Abraham qui l’a fait sortir du chaos polythéiste comme une déité d’abord supérieure, puis unique ; sachant à qui il doit son existence, Dieu s’écrie : « C’est incroyable comme ce pauvre homme me connaît. Ne commencé-je pas à me faire un nom par lui ? En vérité, je m’en vais l’oindre. »

Milan Kundera, Les Testament trahis, 1993

Tuesday, January 3, 2012

Consommation esthétique

Le besoin de voir la réalité confirmée et le vécu exalté par des photos constitue un mode de consommation esthétique dont personne aujourd’hui n’est capable de se passer. Les sociétés industrielles font de leurs membres des camés dont l’image est la drogue ; c’est la plus puissante forme de pollution mentale. Désir poignant de trouver la beauté, d’en finir d’examiner le dessous des choses, de sauver et de célébrer le corps du monde : tous ces constituants du sentiment érotique s’affirment dans le plaisir que nous prenons aux photographies. Mais d’autres sentiments, moins libérateurs, s’y expriment également. Il ne serait pas faux de dire que les gens ont un besoin compulsif de photographier : de transformer le vécu lui-même en une façon de voir. Au bout du comte, vivre quelque chose et en prendre une photo deviennent identiques, et participer à un événement public équivaut de plus en plus à le regarder sous forme photographique. Mallarmé, le plus à le regarder sous forme XIXe siècle, déclarait que tout dans l’univers existe pour aboutir à un livre. Aujourd’hui, tout existe pour aboutir à une photographie.

Susan Sontag, Sur la photographie

Monday, January 2, 2012

The Lens Lab



Genevieve Quick