Der Muselmann, le « musulman » désigne, dans l’argot des camps, l’homme-momie, le mort vivant, celui qui a cessé de lutter, qui a perdu toute conscience et toute volonté. Ce terme renvoie probablement « au sens littéral du terme arabe muslim, signifiant celui qui se soumet sans réserve à la volonté divine » (Ce qui reste d’Auschwitz, Bibliothèque Rivages, p. 53). Selon l’Encyclopedia Judaïca, il pourrait provenir « de la posture typique de ces détenus, blottis seuls, les jambes repliées à la manière "orientale", le visage rigide comme un masque. ». Pour Giorgio Agamben, le « musulman » est le nom de l’intémoignable : « Le témoin témoigne en principe pour la vérité et la justice, lesquelles donnent à ses paroles leur consistance, leur plénitude. Or le témoignage vaut ici essentiellement pour ce qui lui manque ; il porte en son cœur cet "intémoignable" qui prive les rescapés de toute autorité. Les "vrais" témoins, les "témoins intégraux", sont ceux qui n’ont pas témoigné, et n’auraient pu le faire. Ce sont ceux qui "ont touché le fond", les "musulmans", les engloutis. Les rescapés, pseudo-témoins, parlent à leur place, par délégation - témoignent d’un témoignage manquant. Mais parler de délégation n’a ici guère de sens : les engloutis n’ont rien à dire, aucune instruction ou mémoire à transmettre. Ils n’ont ni "histoire" [...], ni "visage", ni "pensée". Qui se charge de témoigner pour eux sait qu’il devra témoigner de l’impossibité de témoigner. »
No comments:
Post a Comment